1- La tournée du Lion (étape 4)

La route jusqu’au Hall des Ancêtres, situé à quelques lieues au nord de Shiro Matsu, est encore l’occasion pour les deux samourais de deviser sur le thème des ancêtres. Fukui est très impressionnée par les vastes connaissances du bushi, mais cela n’empêche pas pour autant ce dernier de poser de multitudes de questions pour assouvir sa curiosité sans limite.
A l’approche du site le plus sacré des terres du Clan du Lion, ils croisent d’autres samourais en pèlerinage vers le sanctuaire dédié aux ancêtres. Bien qu’elle n’ait rien d’obligatoire, la tradition informelle du Clan veut que tous les samourais du Clan du Lion viennent dans le Hall au moins une fois dans leur vie. En pratique, la grande majorité d’entre eux font ce pèlerinage plusieurs fois. C’est le cas pour Kumagaya qui l’a déjà fait une fois, juste avant son gempukku, accompagné de son père. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’il a senti pour la première fois la présence du premier membre de sa famille à ses côtés.
Mais cette fois-ci, le pèlerinage s’avère particulier. L’excitation qu’il ressent lorsqu’il passe la grande arche à l’entrée du sanctuaire est tout aussi intense que la première fois, mais pas exactement pour les mêmes raisons. Il sent qu’il va se passer quelque chose d’important pour lui ici, qui risque à nouveau de marquer sa vie.
 
Kumagaya laisse ses yeux s’habituer à la pénombre des lieux, propice au recueillement et à la méditation. La grandiose bâtisse, traditionnellement placée sous la protection du deuxième enfant du daimyo de la famille Matsu, accueille les cendres des plus grands héros et vétérans du clan, qui reçoivent la bénédiction funéraire des meilleurs prêtres de la famille Kitsu. Fukui invite Kumagaya à se rendre dans l’un des quatre immenses halls du sanctuaire. C’est celui de la famille Ikoma.
 
 
Ils passent devant des centaines d'immenses statues afin de rejoindre la salle du fond. A proximité de ces impressionnantes mais néanmoins délicates statues se trouvent les urnes funéraires, mais aussi les parchemins contenant les exploits de ces héros. Kumagaya ressent les présences rassurantes de ces aïeuls au fur et à mesure de son avancée. Il ne saurait dire si les murmures qu'il entend proviennent des prières des samourais agenouillés devant les statues, ou des statues elle-même. A moins que cela ne soit les fabuleux récits des Omoidasu à l'extérieur qui parviennent ici de manière étouffée. Une pensée va à son cousin Tobeï, mort trop tôt et parce qu'il n'a pas réussi à le protéger contre le sournois Shuten Doji.
 
Il arrive enfin dans la salle consacrée au premier barde du Clan. Etrangement, la salle est vide d’occupant. L'autel, richement ornementé, est éclairé par des centaines de cierges. Des bandes de papiers de riz pendent partout dans la pièce, sur les poutres ou à même l'autel, certains relatant les plus haut fait de l'ami du Kami Akodo, d'autres étant des prières accrochées là par des pèlerins.
Fukui invite à nouveau Kumagaya à avancer.

Fukui : " Ce fut un grand honneur Kumagaya-san de vous accompagner dans votre pélerinage qui se termine maintenant. Nos discussions furent très instructives et j'en garderai toujours un souvenir intense. Je suis heureuse de pouvoir vous appeler ami, désormais. "
 
S'effaçant, Fukui laisse Kumagaya s'installer devant l'autel d'Ikoma. Le bushi ressent d'intenses émotions depuis son arrivée dans le sanctuaire qui culminent maintenant et où dominent la fierté et le sentiment d'accomplir son destin. Malgré tout Kumagaya entre facilement en transe et sa méditation lui semble plus pure et plus puissante. La présence de ces ancêtres est palpable : Ikoma le grand lui apparaît rapidement accompagnés d'autres Ikoma de sa lignée (tu pourras compléter ici). Un peu à l'écart, il reconnait aussi la présence de Takuni, le lion orphelin.
Ikoma s'avance laissant le groupe familiale derrière lui et se présente devant Kumagaya. Comme la dernière fois où il l'a laissé, Ikoma a son apparence de jeune homme. Il est bel homme, souriant, l'oeil pétillant de malice.
Ikoma : " Approche Kumagaya-san, viens près de moi. Nous sommes tous fiers de toi ici. "
Ikoma pose sa main sur l'épaule du Lion a trois pattes, amicalement.
" Tu es mon héritier Kumagaya-san car la roue kharmique termine son cycle et comme moi, tu seras pris dans une période importante, à la croisée des destins de l'Empire. Tu as un rôle à y jouer. Peut être y aura-t-il un second jour des Tonnerres. Peut être l'épreuve sera différente. "
Un flot de question se bouscule aux lèvres de Kumagaya mais d'un geste Ikoma les balaie.
" Ecoute moi, Kumagaya. Dans les épreuves qui arrivent, nous ne pourrons pas te conseiller sur les choix à faire, nous ne le devons pas. Il t'appartient à toi et aux vivants de déterminer le nouveau cycle de la roue kharmique. Aussi suis-je là aujourd'hui pour te saluer une dernière fois, mon héritier. Et t'offrir un dernier cadeau. Rends moi mon batôn, veux-tu ? Il ne sied pas à un jeune homme dans la force de l'âge de s'aider d'un baton... "
Kumagaya tend le baton à Ikoma, légèrement étonné de constater qu'ici, il dispose de ses 2 bras.
Ikoma s'en saisit et le porte à son front. Puis il se recule sans que Kumagaya ne puisse le retenir. Un sourire malicieux se dessine sur les lèvres du barde :
" Va maintenant Kumagaya-san. Avance face au destin, fièrement campé sur tes 2 jambes. Saisis à bras le corps la roue kharmique..."
 
Kumagaya sort de sa transe, un peu confus. Alors qu'il reprend ses esprits, machinalement il se passe une main sur le visage... une main de bois !!
Au bout de son bras amputé, il a un nouvel avant-bras en bois !!

Le bushi admire son nouveau membre. Il semble fait du même bois que le bâton de son ancêtre. A vrai dire, il ressent même la présence de ce dernier en son sein. Par réflexe, il tente de bouger les doigts de bois, et c’est avec stupéfaction qu’il constate qu’ils répondent à ses ordres. Son ancêtre lui a fait don d’un présent exceptionnel et Kumagaya lui promet d’en faire un usage honorable. Après tout, Ikoma prétend que les destin de l’Empire se trouve entre ses mains, de chair et de bois…
Kumagaya, toujours seul devant l’autel où reposent les cendres de son illustre ancêtre, attrape le laque qui se trouve posé à côté de lui et en sort de quoi écrire. Il dessine avec un très grand soin une prière respectueuse sur la feuille de parchemin, puis la roule une fois que l’encre a séché et enfin, il la glisse dans un des interstices de l’autel.

Puis il se lève, s’appuyant sur sa nouvelle main pour en tester sa solidité, et quitte la pièce dédié au fondateur de sa famille. Il est surpris de cette main qui réagit aussi bien que la droite et qui, malgré l’aspect, reste suffisamment souple pour une manipulation fine des objets. Il pense déjà à la rééducation qui va devoir faire pour renforcer son bras gauche beaucoup moins sollicité depuis ces dernières années. Et puis il va pouvoir à nouveau manipuler un kyu…

Lorsqu’il relève la tête pour reprendre son chemin vers la sortie du Hall Ikoma, il remarque que plusieurs samourais l’observent. Il n’en tient pas rigueur et reprend sa marche, en s’arrêtant devant chaque statut qui était présent au côté du premier Ikoma, afin de faire une courte prière en signe de profond respect. De Komori, l’un des 9 fils d’Ikoma, celui qui a succédé au fondateur en tant que daimyo, en finissant par Ikoma Yozo, le grand-père de Kumagaya, qui fut un grand magistrat d’Emeraude.

Puis, il se dirige dans la Hall Akodo et vers la statue d’Arasou, le défunt frère de Toturi. Celle-ci est très prisée, puisque trois bushis Akodo sont déjà en train de prier à ses pieds. Des officiers, à ce que reconnaît Kumagaya, qui viennent prier les héros du clan avant une bataille. Kumagaya s’agenouille à leur côté et entreprend une prière lui aussi.  Il demande également à Arasou de bénir sa bataille. Puisse–t-il convaincre la fiancé d’Arasou de pardonner au clan de la Grue.

Enfin, Kumagaya estime qu’il n’a pas terminé ses prières et va dans le hall Matsu. Il se dirige tout au fond dans la pièce dédiée dame Matsu, la terrible guerrière qui combattit auprès du Kami Akodo. Comme il s’y attendait, aucune urne ne se trouve sur l’autel. Le corps du Tonnerre du clan du Lion n’a jamais été retrouvé. Il s’agenouille tout de même et demande à Matsu de l’aider à convaincre sa fière descendante.

Une fois toutes ses prières respectueuses et ses suppliques effectuées, il sort du sanctuaire et retrouve la douce chaleur d’Amaterasou. Il s’attend à retrouver Fukui comme à Shiro Akodo, mais nulle trace de la Sodan Senzo. En revanche, un samourai d’âge mur avance vers lui. Kumagaya reconnaît rapidement à sa tenue, mais surtout à ses mons, que ce samourai est un Omoidasu Ikoma. Il se souvient également qu’il était l’un des samourais qui le dévisageait lorsqu’il admirait son bras de bois pour la première fois.
« Samourai-san, je m’appelle Ikoma Momochi, Omoidasu, anciennement au service du prestigieux seigneur Akodo Abuno-sama de la province d’Oiku. Je suis venu ici effectuer un pèlerinage avant de me rendre au Palais du Champion d’Emeraude, car la sage et perspicace magistrat Kitsuki Riko-sama m’a fait l’immense honneur de me solliciter pour l’assister en tant que yoriki.
Je crois savoir que vous êtes le célèbre Ikoma Kumagaya-san, aussi connu sous le nom de Lion à Trois Pattes, yoriki du grand magistrat Kuni Osaku-sama et héros de l’Empire. On m’a dit que vous aviez des histoires inimaginables à raconter… »

Kumagaya n’hésite pas très longtemps et propose au barde de l’accompagner à Shiro Matsu afin qu’il lui raconte ses aventures. Ils se mettent en route donc pour la journée de voyage qui sépare le Hall des Ancêtres à la citadelle Matsu.  Le bushi, toujours aussi inarretable lorsqu’il s’agit de parler son extraordinaire mission, explique son parcours, de son arrivée au service du magistrat, jusqu’à l’inconcevable rencontre avec Ikoma qui s’est déroulée quelques heures auparavant. Bien sûr, les détails les plus inavouables sont occultés, mais l’histoire est suffisamment stupéfiante pour tenir en haleine le barde. Il promet qu’il s’acquittera de son rôle d’Omoidasu avec fierté et qu’il propagera la légende de ces héros contemporains et surtout, de l’héritier du grand Ikoma.