Epilogue :
Doji Hido n'avait pas passé une bonne journée. Non décidément, depuis longtemps, sans doute depuis les cours de calligraphies de son maitre d'école, une journée n'avait paru aussi longue au petit homme dont l'embonpoint ne pouvait être caché par les précieuses étoffes constituant son kimono. Machinalement Hido triturait l'épaisse ceinture fermant son vêtement. D'abord, cette entrevue avec le seigneur Daidoji Uji qui réussit à inviter son maître à rencontrer ces samurais au goût faisandé de ronin puis cette entrevue avec Le Lion à 3 Pattes qui s'avérait intéressante et qui finalement avait tenue ses promesses bien au delà de toutes les attentes.
Il en reparlerait à Doji Tanaka, qui lui avait dépeint un portrait terne du Yojimbo du clan du scorpion et qui l'avait mis en garde contre la perspicacité du premier Yoriki de Kuni Osaku San. Quand au Lion, admirable et sans surprise. Sans doute un adversaire de taille sur le champ de bataille ou dans les bibliothèques impériales et dire qu'un instant il avait failli croire que les samurais de jade leur jouaient une pièce. Non, ils sont divisés, et Doji Hoturi Sama a vu clair. Comment cette idée de donner le sabre au scorpion alors que le Lion venait le délivrer avait pu lui échapper. Décidément, une sale journée...
Heureusement, il arrivait à destination. la lanterne éclairait par un savant jeu de lumière une enseigne dépeignant un de ces génréreux poisson d'eau douce bondissant d'une mare. Au repos du pêcheur.
Hido n'avait pas de vices, il travaillait beaucoup à la gloire de son clan et de son daimyo. Seulement dans les moments de grande lassitude, il lui arrivait de se rendre dans cette modeste maison ayant l'avantage d'être très discrète. Il y bénéficiait de ses entrées, et comme Hido n'aimait pas les ragots, elles étaient sur l'arrière. Oh, il n'y faisait rien de mal mais il souhaitait préserver son havre de paix ainsi que la jeune fleur qu'il y avait rencontré, Kumako. Cette dernière était si petite et si fragile.
Il pénétra dans le bain préparé par la jeune geisha. Il avait déjà payé fort cher pour que Kumako ne parte pas dans un autre établissement plus huppé. Son plaisir était rare et il tenait à le préserver. Les senteurs des huiles envahissaient ses narines et ses pensées pouvaient enfin divaguer. Le plaisir de voir le Lion enragé, la certitude que le mutisme du Dragon ne saurait cacher autre chose que son incertitude, leurs compagnons de route, valeureux sans doute, mais sans danger. Et ce...
"Hido San, vous êtes plus tendu qu'à l'accoutumée. Laisser moi vous masser la nuque"
Les mains expertes faisaient leur office.
"Kumako, tu me fais du bien. Tu me fais rendre plaisir ce qui a été source de désagrément. Comment fais-tu ?"
"C'est mon métier Hido San, et vous êtes mon meilleur client. Je sais me taire, je sais vous entendre, je sais ce qui est bon pour vous."
"Continue, Kumako. Tu me fais oublier cet insecte et sa bande de cloportes, ici je puis soulager mes pensées"
Hido, se sentait partir, les odeurs plus fortes que d'habitude l'enivrait littéralement.
"Quand je pense, que nous avons cru qu'il lisait dans nos pensées. Je me suis même interrogé pour savoir si un membre du conseil restreint n'avait pas lâcher nos intentions de remettre cette maudite lame à ce maudit Lion"
Les mains de Kumako massait la poitrine flasque du conseiller, plongeant dans l'eau. Hido, soupirant.
"Maintenant, nous sommes débarrassés d'eux et nous avons mis le vers dans le fruit. Quelle astucieuse tactique de mon maître. Je ne comprends pas pourquoi il a si peur qu'ils réussissent. Je le connais..."
Les doigts malaxaient délicatement les replis du bas ventre. Hido sentait le plaisir monter en lui. Il savait qu'il allait bientôt sombrer, et qu'il ne la toucherait pas, il ne pouvait pas, Amateratsu n'avait pas été généreuse à son égard dans ce domaine. Et ces onguents qui le portaient.
"Kumako, je crois qu'il nous a bluffé. Je crois qu'il ne savait pas vraiment que nous ne voulons pas la paix et qu'il a agit par instinct, cela le rend-t-il moins dangereux ? Il n'aura pas toujours cette réussite et j'espère être là quand il trébuchera. Je vais même peut-être glisser quelques obstacles..."
La respiration lourde, Hido venait de s'endormir. Le bain resterait chaud encore une dizaine de minute. Kumako rajouta des encens, ajusta son kimono, remonta les manches légèrement humides afin de ne pas laisser de traces, et se dirigea vers un des panneaux menant au jardin. Elle ouvrit la petite porte qui permettait aux clients discrets comme Hido de s'introduire.
De l'ombre sortit une ombre. Un instant, les deux silhouettes furent proches et semblèrent converser. Puis l'ombre rejoignit les ombres alors que la porte se refermait. Un observateur attentif aurait peut-être pu voir sur la poitrine de l'ombre un mon brodé figurant un visage recouvert par un masque ayant la forme d'un oiseau de feu.