Entretien avec Lichin.

Ceux qui souhaitent parler avec Lichin avant de quitter l'île du Tengu, peuvent le faire ici tandis que vous êtes sur la jonque du seigneur Yoritomo en train de reprendre des forces.

"Bonjour, Lichin.
J'aimerais savoir pourquoi vous ne m'avez pas prévenu de l'arrivée de la flotte de mon Daïmyo..."

Lichin, tout sourire, te répond joyeusement :

" Nakamuro-san, lorsque nous nous sommes finalement rejoint, l'alarme sonnait déjà... alors vous prévenir n'aurait pas servi à grand chose d'une part, et d'autre part, cela aurait révéler votre allégeance et la mienne... ce qui sur le moment ne m'est pas apparu indispensable. Vous me suivez ?"

"Ma mémoire doit me jouer des tours à propos du déroulement de votre évasion. Ce n'est pas bien grave. Gageons que cela ne se reproduira pas...
Quels sont vos projets dans l'immédiat, Lichin ?"

Lichin regarde dans la direction de Yukimori et lui fait un signe de tête.

" Je n'ai pas d'autre projet dans l'immédiat que de prendre quelques repos et un bon bain. Et vous, Nakamuro-san ?"

Durant un instant Lichin semble complètement pris au dépourvu par la demande de Yukimori. Le sourcil levé, il semble commencer à dire quelque chose mais les mots ne franchissent pas sa bouche. Puis il éclate de rire et se reprend.

" Aha ! Mon jeune ami, je doute que nous ayons le temps de faire de vous un bon ninja en si peu de temps !! "

Le regard de Yukimori s'éclaire d'un air malicieux. D'un geste vif, il porte ses mains devant son visage dissimulant son front et son nez à la façon d'un masque et se met à rouler des yeux comme un acteur de théatre mimant un démon :

"Un Ninja, ne connais pas la peur !"

Yukimori cesse son imitation mais reste souriant

"Ainsi vous feriez partie de cette étrange secte maître Jichin ? Pardonnez ma grande ignorance, mais j'ai longtemps cru que les histoires de Ninja n'étaient destinées qu'a éffrayer les enfants...
Plus tard on m'a dit que les Ninjas étaient des ennemis de l'empire... Mais je devinne grâce à vous qu'il y aurai pour les Ninjas comme pour les Samouraïs des règles plus subtiles qu'il n'y parait... non ?"

Lichin ricane des facéties du jeune Yukimori, avant de prendre un air plus sérieux pour répondre :

" Les ninja sont les maîtres des ombres et des illusions, jeune Yukimori. Il serait stupide de ne pas les craindre. Mais, en effet, les choses ne sont pas toujours aussi évidentes ou manichéennes qu'on a pu vous le dire. En vérité, les ninja ne sont ni bons, ni mauvais car ils n'ont pas d'allégeance. Vous me comprenez, n'est-ce pas ? "

Yukimori reprend son sérieux

"Je comprends parfaitement maître Lichin, mais je compléterai votre remarque en affirmant que l'allégeance n'est jamais suffisante pour déterminer de qui est bon ou mauvais... de nombreux événements réscents témoignent que le mal s'immice au sein des plus nobles maisons...
Seuls les actes, qu'ils soient révélés ou cachés, parlent au moment de la pésée du coeur des hommes"

Le vieil homme croise ses mains dans le dos et commence à marcher tranquilement sur le pont du navire.

"Les actes, leurs résultats ou les intentions ?"

Yukimori sourit et répond sans se départir de la bonne humeur

"Je m'incline devant votre maîtrise maître Lichin car en partant qu'une curiosité qui était mienne vous avez habillement retourné la conversation pour que je soit l'objet des questions...

Mais cela ne me dérange pas de vous répondre.
J'allais justement approfondir ma pensée, car ce que j'ai résumé sous le terme acte comprend en effet quelques subtilités...

L'acte ne dure qu'un temps, le temps de l'action.
Ce qui en résulte alors est une subtile alchimie entre une intention, dont l'esprit perdure après l'acte, et un résultat plus ou moins conforme aux attentes...

L'homme bon possède assurément la bonne intention.

Mais l'action qui traduit l'intention ne pourra pas nécessairement être jugée bonne ou mauvaise. Porter un coup de sabre par exemple n'est en soit ni bon ni mauvais... (rappel : Yukimori ne porte pas de sabre) en revanche, d'autres actions ne pourront jamais être associées à de bonnes intentions : pratiquer la Mao par exemple...

Vient enfin le résultat... ce dernier pourra être conforme au intentions et valider la bonté de la démarche, ou pour des raisons multiples le résultat pourra être néfaste et parfois contraire à l'intention...
Face à telle situation l'homme bon saura assumer le résultat et en tirer les conséquences.

Comme vous le souligniez tout à l'heure les choses ne sont pas évidentes ou manichéennes. Il est particulièrement difficile de pouvoir juger de la véritable bonté d'un homme, alchimie subtile entre sa volonté, ses actes et ses résultats.

Il faut, pour pouvoir juger des hommes, une grande clairvoyance et une grande sagesse... qualités que je ne possède pas en quantité suffisante (Yukumori sourit à nouveau)...

C'est la raison pour laquelle je m'efforce de jamais juger et invite chacun à interroger et à s'interroger sur ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons...
Il est alors fréquent que les questions soient plus intéressantes que les réponses...

Voici en quelques mots un aspect de la voie que je m'efforce de suivre.

Mais je suis curieux à mon tour de vous entendre sur ce sujet Maître Lichin : actes, résultats, intentions ? a quoi vous référez vous pour tenter de faire le bien ?"

Lichin jauge du regard le jeune ronin pendant quelques instants puis reporte son regard sur la mer.

" Au risque de vous décevoir mon jeune ami, les ninja sont aussi secrets que discrets et il nous est interdit de deviser de ce genre de considération. Je ne peux donc pas vous exposer ici les subtilités de notre philosophie. Je vais donc vous répondre sobrement : ce qui prime ce sont les résultats. Peu importe les actes qu'il doit commettre, peu importe les intentions de son commanditaire, un ninja accompli toujours sa mission pour atteindre un résultat, quoiqu'il en coûte. Ainsi les ninja ne sont pas l'ennemi de l'Empire, ils sont l'Empire."

Yukimori prend un instant la pause, le regard sérieux vissé sur la mer comme pour mimer un personnage important. Puis retrouve souriant son allure décontractée et le ton de la conversation :

"Voilà le problème avec les personnages importants maître Lichin, ils n'ont jamais le droit ou le temps de philosopher... ce privilège étant réservé aux faibles esprits de mon espèce. Ce monde est injuste !"

Yukimori parle ensuite sans aucune malice, et avec le plus profond respect au vieux Lichin, comme un jeune novice s'adresserait au vénérable d'un monastère

"Mais, si vous permettez cher maître et sans vouloir vous offenser, il y a tout de même quelque chose que je ne comprend pas.
Vous disiez que les ninjas n'ont pas d'allégeance, puis vous dites qu'ils sont l'Empire.
Cela signifie qu'ils sont l'empire lorsqu'ils sont missionés par l'empire ? Mais que le reste du temps ?...Ils ne sont... ni bons ni mauvais ?"

Paraissant sur le moment plus âgé que jusque là, le vieil homme se courbe un peu plus.

" Oui, je sais, cela peut sembler déroutant et pourtant, nous autres ninja, nous sommes l'Empire. Notre allégeance est changeante au gré des missions que nous accomplissons pour les différentes factions de l'Empire. Ainsi contrairement aux samouraïs, notre devoir nous fait oeuvrer tantôt pour le bourreau, tantôt pour la victime. Nous sommes le bien et le mal qui vivent, s'affrontent et forment cet empire. Par contre, jamais nous n'oeuvrons à la destruction de l'Empire. Cela n'a pas de sens. Je le répète : nous sommes l'Empire. "

Après un long moment, Lichin se retourne de nouveau vers Yukimori.

" Alors, que comptez-vous faire par la suite ? Vos pas sont-ils tracés ? "

Non loin d'eux, bien que respectueux de leur intimité, Shingen patiente. Jouant avec l'empennage d'une de ses flèches, il semble pensif. Pourtant, son visage le trahit de temps à autres : un sourire, un hochement de tête tantôt en guise d'approbation tantôt de dénie au fil des paroles de deux homme qui discutent.
Pourtant, d'aucune façon, il ne témoigne d'un quelconque désir de participer à la conversation.

Enfin, à son froncement de sourcil, il est clair que lui n'a pas comprit les dernières explications du vieil homme.

- je ne pense pas que nous aurons plus de détails de Shingen alors je poursuis -

"Et bien maître Lichin, comme disait toujours mon senseï : celui qui suit aveuglément un chemin qu'il croit tout tracé, fini toujours par percuter un arbre... "

Il sourit

"Plus sérieusement, je suis un insassiable voyageur, sans itinéraire et sans intention d'arriver. Un engagement me lie aux yorikis du magistrat Kuni Osaku mais ce dernier arrive à sa fin et j'ignore encore où les kamis guideront mes pas..."

Lichin, amusé :

" Une de nos vieilles connaissances a pour coutume de poursuivre ce proverbe ainsi : et c'est en percutant l'arbre que l'on en fait tombé le fruit mûr... D'ailleurs je suis surpris de ne pas le voir ici."

Une voix répond alors :
" Si tu ne me vois pas, mon vieil ami, c'est que ta vue a encore baissé..."

Sortant d'une cabine, un vieil homme vous rejoint sur le pont accompagné de Kumagaya. Le vieillard marche légèrement courbé et son corps trahit de longues années de labeur. Dans son sourire amical, il manque quelques dents mais ses yeux rieurs sont pétillants comme ceux d'un garnement découvrant le monde. Une sensation de familiarité bienveillante se dégage de lui, vous rappelant qui un bien-aimé senseï, qui un affectueux grand père.
Les 2 hommes échangent un regard appuyé.

Lichin : " Aha, vieux gateux, je ne t'avais pas vu mais il me semblait bien que le vent me portait l'odeur caractéristique de ton fumet. C'est bien triste qu'avec toute cette eau alentour tu n'aies pas réussi à t'y baigner un peu !"

Mégumi : " Toujours vif le pépé, hein ! Et la langue bien piquante. Mais mon bon maître Lichin, vous savez bien que la pluie suffit à me laver et si les cieux n'ont pas juger bon de me tomber sur la tête, c'est que ça n'est pas nécessaire. Finalement cette odeur qui vous incommode ne viendrait-elle pas simplement de votre bouche où vos dernières dents finissent de se gâter mon vieil ami ?? "

Les 2 vieux éclatent alors de rire de concert.

" Je vois que vous connaissez bien l'étrange Lichin, Mégumi-san. Et bien îl a joué un rôle dans notre arrivée sur l'île. "

Kumagaya, habituellement peut expressif, se permet un léger sourire...

Mégumi : "Tiens donc ! Quelqu'un l'aura payé pour cela aussi, à coup sûr."

Lichin : " Assurément. Tout le monde ne peut supporter de vivre tel un moine ascète. Malgré mon âge j'ai encore quelques besoins à assouvir que seul l'argent peut me procurer. D'ailleurs, à défaut de plaisante compagnie, quelqu'un sait-il comment nous pourrions nous procurer un peu de saké ?"

Mégumi : "Ou du thé..."

A cette dernière remarque Lichin fait une vilaine grimace.

" Oui, du thé fera du bien à tout le monde... Il faut garder l'esprit clair. D'ailleurs Lichin, je voulais converser avec vous. Peut-être pourrions nous tous trouver une cabine où nous pourrions boire et discuter tranquillement. "

Ce disant, le Lion cherche du regard Nakamuro qu'il sait non loin...

" Pouvez vous nous arranger cela samourai-san? "