8.2 Shiryu et les Crabes.

A peine sorti de la réunion avec son daïmyo et ses collègues, Shiryu se dirige d'un pas ferme et décidé vers le Pavillon du Clan du Crabe où sont assignés à résidence, sous haute surveillance, tous les membres de cette délégation.

Même si la présence de son daïsho, attaché à son obi, le rassure, le magistrat Dragon sait que sans le seppukku de l'Empereur et le siège mené par Hida Kisada, il n'aurait probablement jamais été autorisé de sa vie à le porter au sein de la Cité Interdite.

Arrivé en vue de la porte de l'édifice, Shiryu se remémore la dernière fois qu'il a monté ces marches, seulement quelques heures plus tôt. Convoqué par Kuni Yori pour éponger une dette d'honneur. Et maintenant, il venait libérer et requérir l'aide de ceux qu'il n'avait jamais vraiment porté dans son coeur. Libérant son amertume d'un soudain mais discret crachat au sol, le bushi s'immobilise, ferme les yeux et fait le vide en lui.

Lorsqu'il rouvre les yeux, la sérénité l'a entièrement regagné. Il expédie en quelques minutes les formalités de passage auprès des gardes impériaux et Scorpions et finit par accéder à l'enceinte. Comme la dernière fois, sa présence est rapidement remarquée : l'intendant de la délégation se présente aussitôt à lui. Avare de mots, Shiryu demande à avoir une entrevue séance tenante avec Hida Yakamo, Hida O-Ushi et Kuni Yori, sans donner d'autres explications. Il est conduit par un intendant soudain moins assuré dans une petite pièce le temps que les maîtres des lieux arrivent...

La pièce est sobre, dénudée. Aucun confort ni aucune décoration, Shiryu a l'impression d'avoir quitté la cité impériale. Le bushi entend légèrement craquer le plancher avant que les 3 samouraïs crabes n'entrent.
Hida Yakamo, le grand et puissant champion du clan est obligé de se pencher pour passer la porte. S'il n'a pas l'épaisseur de Tetsu, le grand frère de Fujizaka, sa gestuelle traduit une vivacité et une force hors du commun. Son regard se pose sur le Dragon sans laisser entrevoir le moindre sentiment.
Derrière lui, Hida O-Ushi entre et dévisage Shiryu. La femme dégage une détermination et une violence intérieure troublante. Shiryu croit même déceler de la concupiscence dans la façon dont elle le jauge.
Enfin, silencieux et froid comme un serpent, Kuni Yori entre le dernier. Il adresse un discret signe de tête à Shiryu. Son visage maquillé dans la tradition de sa famille est toujours aussi sévère et inquiétant.

Yakamo : " Mirumoto-san. "

MJ : les crabes ne sont pas armés. Yori dispose d'une sacoche à parchemin typique. Shiryu a probablement posé son daisho à son coté... mais de quel coté ?

Etant droitier, Shiryu a placé son daisho à sa droite, en signe de confiance envers ses hôtes.
A l'entrée des trois Crabes, il soutient leur regard sans pour autant leur manquer de politesse, puis prend la parole :

«  Eminents membres du Clan du Crabe, je viens à vous en tant qu’émissaire de mon daïmyo, Kuni Osaku sama. Dans quelques heures, nous allons ouvrir les portes du district Karada et permettre aux forces de l’Outremonde de pénétrer dans les Ekohikei. D’ores et déjà, leur proximité a fait resurgir sur les murs enchantés les héros du passés qui y ont péri. Mon maître souhaite prendre les troupes impies en étau entre les murs enchantés et les murs de la cité interdite pour les exterminer. Il m’a envoyé à vous pour que vous nous aidiez à accomplir cette tâche. Vous pouvez vous considérer comme libres de vos mouvements. Je vais de ce pas rencontrer Karada et je serai honoré que vous m’y accompagniez. »

Shiryu se tait et scrute les réactions éventuelles de ses interlocuteurs en attendant leur réponse.

Les trois Crabes se regardent. Si Yori reste de marbre, O-Ushi et Yakamo semblent surpris.

O-Ushi : " Frère, je peux y aller avec notre oncle, neh ? Il vaut mieux que tu restes pour le tournoi, toi."

Yori acquiesce à cette proposition.

Yakamo pose sa main puissante sur la large épaule de sa sœur.

Yakamo : " Bonne idée soeurette ! Je vous rejoindrai dès que possible ensuite. "

A la mention de la participation de Yakamo au tournoi, Shiryu a légèrement haussé les sourcils.

Avant de se se redresser pour clore l'entretien, il se permet néanmoins de poser une question à l'aîné des enfants de Kisada :

" Puis-je savoir avec quel type d'arme vous comptez participer au tournoi, seigneur Yakamo ? "

Le puissant guerrier dévoile un large sourire en répondant :

" La détermination et... mon tetsubo !"

Si en son for intérieur, Shiryu regrette que tant de talents doivent se disperser dans un tournoi qu'il juge inopportun, il n'en laisse rien paraître. Il finit par se lever lentement, ramassant au passage son daisho et le glissant à sa ceinture. D'un ample signe de la tête, il salue Yakamo et quitte la pièce après s'être assuré que O-Ushi et Yori le suivent.

Cependant, alors que le trio arrive devant le perron du pavillon, les gardes scorpions et impériaux lui barrent le passage.

Shiryu fait un pas en avant et s'adresse aux soldats en faction :

" Sur ordre de Kuni Osaku sama, prétendant au Trône de Jade, moi Mirumoto Shiryu, Magistrat d'Emeraude, lève la surveillance imposée à la délégation du Clan du Crabe. Les seigneurs Hida Yakamo et Hida O-Ushi sont de plus autorisés à porter leurs armes. Seuls ceux d'entre vous qui sont chargés de la sécurité habituelle du pavillon peuvent rester. "

Un bref flottement laisse redouter des complications à Shiryu mais finalement les gardes saluent le Dragon et obéissent.
Peu après les impressionnantes armes des enfants de Kisada leur sont remises, à leur grande satisfaction. O-Ushi se livre même à quelques katas au débotté, faisant tournoyer et vrombir sa massive Daï Tsuchi (masse de guerre), sous le regard médusé des gardes. Elle finit par une posture de défi mais personne ne semble disposé à affronter "amicalement" la valeureuse guerrière.
Laissant éclater un rire tonitruant, O-Ushi pose négligemment sa masse sur son épaule et vient se planter devant Shiryu.




O-Ushi : "Alors beau gosse, on va casser du monstre ou on reste ici pour enfiler des perles avec ces tarlouzes ?! " dit-elle assez fort pour que toute l'assistance en profite.

(Note du MJ : je suis opposé à ce genre de propos homophobe, les pnj sont seuls responsables de leur propos qui ne représentent aucunement les convictions ou sensibilités du MJ.)

Shiryu dévisage quelques secondes la samuraï-ko plantée devant lui, puis s'assurant d'un regard circulaire que personne dans l'assistance n'osera répondre à la provocation, lui répond laconiquement :

" Allons-y !"

Avant que le tumulte créé par la dernière tirade d'O-Ushi n'ait le temps de dégénérer, le Dragon et les deux Crabes se sont mis en route et prennent déjà leur distance avec le pavillon. Sur le (court) trajet qui les mène vers le district Karada, alors que Kuni Yori garde le silence, O-Ushi semble prendre un malin plaisir à asticoter le bushi du Dragon, notamment sur les traces de brûlures qui ornent les bras, le cou et le visage de Shiryu, sur son mutisme maladif etc...

Imperturbable, Shiryu répond poliment (mais sobrement) aux questions de la bushi sans réellement satisfaire sa curiosité.

Alors que le bâtiment gérant le district Karada se rapproche, O-Ushi finit par lâcher cette énième pique :

" Tu étais un peu plus enflammé lorsque nous nous sommes croisés au col de Beiden... "

Shiryu marque un temps d'arrêt, comme atteint par la remarque :

" J'avais mal évalué la situation à l'époque. Maintenant je comprends le message que votre père a voulu faire passer aux autres Clans, même si sa méthode va coûter la vie à d'innombrables et valeureux samouraïs. Ce que je comprends moins, c'est pourquoi votre frère veut participer à cette parodie de tournoi. Il est clair que votre père n'accordera aucun crédit à cette tentative désespérée du Lion, quelle qu'en soit l'issue... "

O-Ushi semble ravie que Shiryu sorte enfin de son mutisme. Elle le toise, l'évalue : son regard concupiscent se balade, jaugeant le corps puissant du duelliste.
Elle s'approche tout près de lui pour susurrer à son oreille :

O-Ushi : " Ce n'est pas une question de récompense, Dragon. Mon frère ne veut pas rater l'occasion de foutre une bonne branlée à tous ces prétentieux, ces danseuses qui agitent leur sabre en vain tout au long de leur vie de nanti. "

La fille de Kisada se trouve alors face à Shiryu, quasiment collée à lui. Elle poursuit :

O-Ushi : " Moi, j'aime baiser avant de partir à la guerre Dragon. Ca m'échauffe le sang ! Tu veux me montrer ce que tu sais faire avec ton petit tetsubo ? " susurre-t-elle dans un sourire en glissant sa main sur les parties intimes de Shiryu pour les caresser.

O-Ushi : " Après tout on ne sait jamais ce qui peut arriver, ni ce qu'on peut perdre dans une bataille... un bras ce n'est pas si grave quand on en a un deuxième."

Stoïque, Shiryu reste de marbre quelques instants. Une goutte de sueur perlant à son front vient néanmoins altérer l'apparente sérénité du Dragon. Lentement mais sûrement, sa main gauche se dresse pour saisir fermement la main baladeuse de la samuraï-ko. Il lui susurre à son tour à l’oreille :

« Vos méthodes de concentration sont originales, O-Ushi san. Je suis pour ma part, depuis mon enfance dans les montagnes Togashi, adepte de la méditation profonde. Mais qu’à cela ne tienne, je ne suis pas contre découvrir d’autres pratiques et parfaire mon éducation… Une fois bien sûr que tous les détails de la bataille à venir auront été planifiés avec le gouverneur du district Karada. Lors de l’évacuation de tous les non-combattants vers la Cité Interdite par exemple… ».

Semblant satisfaite à la fois de son effet sur le Dragon et de sa réponse, la fille de Kisada s’écarte et rompt le contact avec Shiryu en s’esclaffant :

« J’aime bien ta franchise tordue, Dragon. Il paraît que tu as tendance à oublier certaines choses. Je te conseille de te souvenir de ce rencart, ma main pourrait être moins douce la prochaine fois dans le cas contraire… »

Toujours hilare, elle tourne alors les talons et rattrape au pas de course son « oncle » Kuni Yori.

Shiryu reste encore immobile quelques secondes, respirant lentement, comme pour atténuer une gêne passagère, puis se remet en marche et à force de longues enjambées, rejoint à son tour les deux étranges Crabes et gravit avec eux la volée de marches permettant d’accéder au pavillon administratif gérant le district Karada.

L’arrivée de ce trio atypique est rapidement remarquée : une fois su l’objet de leur visite, ils sont rapidement introduits auprès de la personne portant le même nom que le district qu’il contrôle…

L’entrevue avec le gouverneur du district Karada s’était déroulée dans un contexte tendu, celui ayant du mal à admettre devoir offrir son quartier aux hordes de l’Outre-Monde. Au sortir, cependant, tout était en ordre pour préparer l’affrontement à venir. Les portes s’ouvriraient donc à l’aube pour que le combat se déroule sous les rayons d’Amateratsu. Enfin, en espérant que les masses sombres de nuages parviennent à se disloquer d'ici là.

En marchant vers la cité impériale, O-Ushi jeta une œillade amusée au Magistrat d’Émeraude,
« Je suis fatiguée de ces discussions et cette nuit est peut-être la dernière… bon allez, nos lames vont devoir être bien affutées pour trancher la vermine d’outre-monde. »

Shyriu observa songeur la bushi crabe. Il percevait la fine musculature de la guerrière derrière le plastron de bois qu’elle avait rapidement nouée à sa taille avant leur départ. Les gestes précis rapides sans fioritures, cette dextérité contrastant avec le caractère emportée de la fille de Kisada. Toute chose est complexe.

« Ben alors, tu te dégonfles », lui souffla-t-elle au visage.

« Je vous suis, c’est sans doute le meilleur moment pour entrevoir les techniques de concentration de votre clan », lui répondit Shyriu, esquissant un sourire.

Kuni Yori les avait déjà distancés, les abandonnant à la discrétion de la rue. Le Maître Kuni semblait nerveux et empressé.
Autour d’eux, le tumulte naissait. Des familles se dirigeaient déjà vers la cité impériale tandis que d’autres fermaient avec de futiles obstacles les ouvertures des habitations. Une fine poussière s’élevait, dont le goût acre venait à la bouche de Shyriu. Bientôt viendrait s’y mêler celui du sang. Peut-être de celui qu’il sentait circuler dans ses veines à cet instant où il pénétrait le regard d’O-Ushi.

Un lueur perçant les nuages attira son regard et Shiryu fit face à Onnontangu, le Seigneur Lune. C'est à ce moment précis qu'elle le poussa en arrière, bousculant au passage un homme et sa compagne apeurée, le plaquant contre le mur en pierre d’une demeure. Il sentit alors ses lèvres prendre possession des siennes et sa langue d’immisser dans sa bouche. Shyriu se souviendrait qu'à cet instant il abandonna toute autre pensée que de la faire sienne pour cette nuit.

Le reste ne fut qu’un songe, l’arrivée au pavillon du crabe, leurs effets posés là où ils tombaient, leur première étreinte puis les suivantes…


Shyriu ouvrit un œil, un pressentiment…

« Maîtresse, maîtresse… Maîtresse, le seigneur Mirumoto Shyriu est demandée »

Il était tard ou très tôt. L’heure de se préparer sans doute. Le samouraï se redressa apercevant son daisho là où il se souvenait avoir pris soin de le poser. Il entendit le bruit de l’eau dans la pièce adjacente. Sans doute prenait-elle un bain ? Il devinait sa voix égrenant les paroles d’une chanson pour enfant.

Il se redressa, se dirigea vers la porte et souffla à la servante. « Dis que nous sommes prêts ». Il hésita une seconde en regardant la porte qui menait vers O-Ushi et décida dans un soupir de se vêtir. Il était grand temps de passer aux choses sérieuses. Il se pencha pour ramasser sa ceinture lorsqu’il entendit un bruit sourd, mat comme la chute d’un poids. Ce n’était pas la vieille qui l’avait réveillé. Il bondit sur son katana qu’il dégaina d’un vif mouvement du poignet et traversa le mur de toile, prêt à frapper.

Face à lui se tenait le corps dénudé d’O-Ushi aux trois quart hors du bain, soulevé par une forme sombre au visage encagoulé. Un tanto dans une main la pointe déjà engagée au niveau de l’oreille de la jeune femme. Etrangement, l’assassin face à lui ne le regardait pas, il contemplait sa victime. Puis, il sembla s’apercevoir de sa présence, et leva les yeux vers lui.

Lorsque leurs regards se croisèrent, un voile tomba. O-Ushi en profita pour se dégager les seins soulevés par sa respiration saccadée, laissant les protagonistes former un étrange trio.
Ce regard, Shiryu le connait. Cette scène aussi...

Shiryu reste figé de longs moments. Trop longs peut-être pour un bushi à la vivacité pourtant reconnue. Son regard semble s'être perdu dans celui de l'assassin cagoulé. Lentement, une goutte de sang commence à couler de sa narine gauche, franchit ses lèvres, jusqu'à la pointe de son menton et tombe par terre.

Plic.

Shiryu bat les paupières et semble redécouvrir la scène. Il avance d'un pas en direction de la partie du bain où se trouve O-Ushi, s'arrête et apostrophe l'homme au tanto :

" Cela ne te ressemble pas d'épargner tes cibles Akira san. Le souvenir d'Inada aurait-il arrêté ta main ? "

Les yeux du ninja lancent tout à coup des éclairs. De sa main gauche, il défait le bat de sa cagoule. Son visage laisse apparaître les marques noires qui courent désormais sur la partie gauche habituellement masquée.

"Tu es bien surprenant, Shyriu san. Inada est bien pour moi un souvenir, mais pour toi que représente-t-elle ? Tu devrais t'écarter de mon chemin."

Shiryu sourit. Son katana, qu'il tient à la main droite, est pointé vers le sol, inerte. Comme pour répondre à la dernière phrase du Scorpion, le Dragon reste immobile, mais point muet :

" Ryoko Owari Toshi m'a rendu amnésique. Quand Ryoko Owari Toshi m'a rendu la mémoire, du moins partiellement, tu étais présent. Tu dois pouvoir en reconnaître les stigmates...", poursuit le duelliste en s'essuyant le sang du visage du revers de sa main gauche.

" Je connaissais ta soeur. Comme toi, j'étais présent quand elle est morte. Mais tu ne t'en souviens pas ! "

Sans détourner son regard du Scorpion, Shiryu fait un signe de tête en direction de O-Ushi :

" Je devine qui t'a demandé d'attenter aux jours de cette samuraï-ko, mais je ne sais pourquoi tu lui obéis. Qu'as-tu à y gagner ? Sans la connaissance et l'expertise de O-Ushi, je doute que nous puissions repousser les forces de l'Outremonde. Sans elle, le trône de jade sera brisé demain. Quelle récompense peut justifier un tel sacrifice ? "

De son côté, O-Ushi regarde la scène d'un air éberlué et sent l'extrême tension qui se joue dans la pièce. Si le Dragon et le Scorpion campent pour l'instant sur leur position, elle sait qu'un déferlement de violence peut se déchaîner à n'importer quel moment...

Les deux guerriers tournent autour du bain creusé au centre de la pièce carré, semblant glisser sur les lattes épaisses de bois légèrement humides. Deux lampes étirent les ombres qui viennent compléter la disposition symétrique du lieu. Leurs pas mesurés traduisent une totale maîtrise de leurs corps et des éléments qui les entourent. Eau, air, feu, ténèbres...

"Je ne suis personne pour juger de ce qui doit être détruit ou reconstruit. Je suis venu chercher des réponses, doivent-elles s'écrire dans le sang.

Raconte-moi ta fable, je t'écoute."

A chaque pas, Akira semble prêt à se fondre dans l'obscurité latente. O-Ushi se recule scrutant les visages des deux bushis. Sa nudité révèle les stigmates des combats passés en même temps qu'un corps sculpté à l'âpreté de la dure vie de garde de la muraille. Elle adopte désormais une attitude de défense, se trouvant derrière son amant d'une nuit.

Shiryu glisse quelques mots à O-Ushi, que Akira peut néanmoins percevoir :

" Restez au plus proche de la lumière, l'Ombre est son territoire. Gardez votre calme, je vais tenter de lui faire entendre raison. "

Les yeux toujours fixés sur ceux du Scorpion, Shiryu enchaîne :

" Notre rencontre dans le Clan de la Libellule ne fut pas la première Akira san, loin de là. Mais aucun de nous deux ne pouvait s'en souvenir. Nous avons vécu une partie de notre formation de bushi ensemble alors que nous n'étions que de jeunes enfants...

Quelques années plus tard, j'ai connu mes premiers émois de jeune garçon avec une jeune fille de mon âge dénommée Inada. Une nuit sans nuages, je l'ai entendu se faire agresser alors qu'elle se baignait dans la rivière tandis que je paressais dans les herbages alentours.
Je suis arrivé sur les lieux juste à temps pour la voir se faire égorger... par son propre frère !!

Est-ce son fantôme qui a retenu ton geste tout à l'heure ?

Regarde bien au fond de mes yeux. Y vois-tu mensonge ou duperie ?

Tu dis chercher des réponses. Je pense que tu les trouveras dans une autre ville. Je peux t'y aider mais auparavant il faut que tu renonces à la mission qui t'a amené ici... "

Shiryu maintient le contact visuel avec Akira encore quelques secondes avant de subitement fermer les yeux....

"Peut-être est-ce toi qui aurait du mourir sur cette berge ?" le scorpion prononce ses mots sans desserrer les dents.

"En mémoire d'Inada, je suis prêt à renoncer à la mission que je devais mener ici. J'accepte ton aide, si tu me déçois tu en paieras le prix. J'attends un gage de confiance de ta part qui nous liera jusqu'au dénouement de notre histoire. A toi de me convaincre..."

Le tanto a disparu des mains du samuraï noir, alors qu'il fléchit les jambes comme prêt à bondir.

La scène est figée lorsque Shyiru ouvre les yeux, Akira s'élance, le dragon déploie alors ses ailes vers son ami dont la forme éthérée disparaît alors qu'il semblait suspendu au dessus de l'eau. La main de Shiryu est ouverte mais l'objet qui s'y trouvait a désormais changé de propriétaire.

Plic

Une goutte de sang finit sa course à la surface du miroir liquide formant alors une brume rougeâtre.

Un pas lourd. Shyiru lève le regard vers le mur déchiré. Une voix de stentor retentit.

"O-Ushi, quand tu auras fini de jouer. Notre nouvel ami a été demandé. Les festivités ne vont pas tarder à commencer", le ton d'Hida Yakamo est déterminé.

Shiryu ignore O-Ushi qui quitte la pièce du bain pour rejoindre son frère et regarde sa main vide, là où quelques instants plus tôt il tenait Délivrance... une poudre noire finit de s'écouler entre ses doigts crispés. Une rage, une fureur telle que Shiryu n'en avait plus connu depuis longtemps s'allume dans sa poitrine et enfle rapidement. Son esprit s'embrase tandis qu'il cherche Akira dans les ombres alentour, une lueur sanguinaire brille dans ses yeux comme au premier temps de sa jeunesse...
Akira glisse en silence, une ombre parmi les ombres, au dessus des 2 crabes. Dans sa main crispée par la fureur née de la frustration, il détient une part de l'âme de Shiryu : son katana. Le Dragon ne pourra pas plus longtemps ignorer ses avertissements et ses menaces désormais ! Akira sent confusément qu'une brume obscurcit sa raison, son jugement. Cette colère soudaine n'est pas normale... Il sent l'influence de la Voix derrière cette situation même si celle-ci reste silencieuse en ce moment même : il ressent sa satisfaction sournoise.
Shiryu n'arrive pas à voir Akira mais il sent la présence du ninja qui s'estompe. La fureur de Shiryu explose alors et son Chi avec. Le puissant bushi ne peut le contenir davantage et pousse un hurlement démentiel qui déchire les tympans et souffle les parois de papier de riz alentour, faisant naître quelques flammèches spontanées de çi de là.
Au moment où Shiryu laisse exploser son Kiaï, Akira le reçoit de plein fouet. Dans sa main, Délivrance la lame de Shiryu s'embrase subitement. Sous l'effet de la surprise et de la brulure, Akira décide de lacher la lame qui chute et vient se figer dans le parquet de la chambre, sous les yeux médusés de la fratrie crabe. Yakamo pose aussitot sa main sur la poignée de son tetsubo et se raidit. Le regard des 2 crabes passe rapidement du katana flamboyant figé à leur pied à la silhouette de Shiryu dans l'encadrement du passage donnant au bain : Shiryu apparaît en contre jour, nimbé de flammèche qui parcours son torse et ses bras. Dans ses yeux, la soif de sang est flagrante.
Yakamo tire O-ushi derrière lui sans mot dire et lève son puissant tetsubo incrusté d'éclat de jade.
Shiryu s'avance vers Délivrance, dont la lame chauffée à blanc laisse deviner un dragon de feu serpentant dessus. Shiryu pose sa main sur la poignée du sabre et le dragon de feu remonte la lame vers la main du bushi. Quand ils se rencontrent, les flammes s'éteignent brusquement et Shiryu retrouve des traits apaisés bien qu'encore soucieux.

" Desolé pour ce spectacle..."

Shiryu s'entaille légèrement l'avant-bras gauche avec la lame de son Katana. Puis il en saisit le saya et range Délivrance avec l'habitude aisée d'un maître du Iaijutsu. Il complète son daisho et glisse les armes soeurs à son obi. Attrapant une veste au passage, il l'enfile rapidement :

"Je suis prêt, allons-y. Comment s'est déroulé le tournoi ?"

Yakamo ne bouge pas d'un pouce et conserve son tetsubo à la main. Le grand crabe semble un peu déconcerté par la tournure des évènements.
O-Ushi surgit de derrière lui, toujours nue, et va se planter devant Shiryu dans une posture provocante, gonflant le torse, dardant ses petits seins accusateurs devant lui.

" Dis donc, tu crois quand même pas que tu vas esquiver une explication mon gars ! Qui veut me tuer ? "

Depuis qu'il a retrouvé ses effets, les traits soucieux de Shiryu n'ont pas disparu. Néanmoins, l'attitude provocatrice de O-Ushi ne semble pas avoir d'emprise sur lui :

" Je ne puis vous donner que mes déductions. En dehors de mon daïmyo, je ne connais qu'une personne qui connaisse les capacités spéciales de Yogo Akira, qui puisse lui donner des ordres et s'en faire obéir. La dernière fois que cette personne s'est montrée en public, elle a décapité Hanteï Jodan."

Levant le bras pour désigner la salle de bains, Shiryu poursuit :

" Vous venez d'assister au premier geste d'émancipation d'un guerrier de l'Ombre en quête de réponses. "

Croisant les bras et toisant les frère et soeur Hida en position d'attente, le Dragon conclut :

" Mes paroles n'auront évidemment que le poids que vous voudrez leur accorder..."

O-Ushi fait une petite moue songeuse avant de demander :
" Va-t-il revenir essayer de me tuer à nouveau, ton ami de l'Ombre ?"

Shiryu hoche négativement la tête :
" Non, je ne pense pas."

O-Ushi sourit alors et dépose un baiser sur la bouche de Shiryu, perplexe.
" Viens, allons nous préparer, il faut enfiler nos armures et manger quelque chose avant les festivités..."

Et tandis que O-Ushi et Shiryu s'aide mutuellement à revétir leur armure, Yakamo se prépare au tournoi qui doit désigner le nouvel empereur de Rokugan...

MJ:

Megumi a écrit:

O-Ushi sourit alors et dépose un baiser sur la bouche de Shiryu, perplexe.
" Viens, allons nous préparer, il faut enfiler nos armures et manger quelque chose avant les festivités..."

[HJ]Bon, Shiryu se privait volontairement de sommeil et de nourriture depuis la mort de l'Empereur grâce à ses facultés de méditation privative. Au regard de ce qu'il s'est passé dans ce chapitre, je considère que cette attitude est caduque : Shiryu déjeune donc effectivement ! [/HJ]

Cela me convient !:

Une fois son imposante mais néanmoins stylée armure lourde solidement harnachée, Shiryu se met en route aux côtés de O-Ushi vers la porte de la Cité Interdite qui sera bientôt l'unique rempart contre les forces de l'Outremonde. Même si en temps normal il aurait salivé à l'idée de voir des maîtres du kenjutsu s'affronter, il sait où se trouve sa mission.

Néanmoins, si Yakamo l'accepte, il lui confie une missive pour Kuni Osaku expliquant le déroulé de sa mission et précisant que les portes s'ouvriront à l'aube. Shiryu insiste sur le fait que la désignation de l'empereur serait optimale si elle se faisait dans cette tranche horaire là et pourrait avoir un effet dévastateur sur les forces ennemies. Shiryu mentionne un incident aux retombées inattendues avec Akira sans entrer dans les détails. Enfin il stipule l'endroit où il se trouvera si son daïmyo a un besoin urgent de lui.

Tout cela dans le style télégraphique qui le caractérise...

Pendant les ultimes préparatifs, Shiryu se renseigne sur la présence ou non de Daidoji Jikkyo dans les secteurs de défense stratégiques. Il fait de plus part à O-Ushi des soupçons qui pèsent sur ce personnage : inutile de se faire poignarder dans le dos au mauvais moment...