J+1 : entretien entre Shiryu et Shingen

Pendant que toute la petite compagnie était attablée, buvant un verre de saké, Shingen n'avait pas souhaité réagir à l'offre généreuse des yorikis d'émeraude. Il avait trinqué mais était en suite resté sobre et discret. Certains diraient réservé, d'autres pourraient dire distant même.
Pourtant il avait plaisanté et rit des bons mots de chacun.

Avant que la journée ne soit trop avancée, et qu'aucun ne puisse être éméché, il s'était légèrement incliné devant Shiryu.
"Maître Dragon ! J'aurais souhaité m'entretenir avec vous dès que vous aurez un instant à m'accorder."

Shingen était resté respectueusement incliné jusqu'à la réponse du premier yoriki.

Shyriu sourit :

" Je ne sais pas si je mérite le titre de maître, mais je vous écoute, Shingen san. "

Shingen risque un rapide coup d'oeil aux autres samouraïs attablés puis revient à Shiryu.

"Peut-être serait-il préférable d'en discuter en privé."

Shiryu hausse un sourcil interrogateur puis finit par acquiescer :

" Soit, allons nous dégourdir les jambes et profiter de ces quelques rayons de soleil. "

Il se lève, attendant que l'archer le suive, récupère ses armes dans le râtelier prévu à cet effet et sort de l'auberge. Il attend patiemment que Shingen prenne la parole.

Shingen emboîte le pas à Shiryu et, sortant de l'auberge, remonte la rue à ses côtés.

"Tout d'abord, merci, Mirumoto-sama. Pour avoir bien voulu m'accorder un instant de votre précieux temps. Le temps joue encore contre vos desseins, je le sais. Et il vous tarde sûrement de retourner sur le continent pour continuer votre traque.

Vous l'aurez remarqué, je n'ai pas souhaité m'exprimer tout à l'heure quand vous nous avez, à Nakamuro, Yukimori et moi-même, proposé de nous joindre aux forces d'émeraude. Loin de moi l'idée de prendre le temps de la réflexion mais il me semblait important de... heu... prendre en compte la susceptibilité de chacun avant de m'exprimer. Enfin si je puis dire.

Soyons clair. Je vois que je prends des gants pour ne pas vous froissez et cela semble vous contrariez encore plus. Alors je vais m'expliquer sans plus de détours."

Shingen marque une pause pour voir si Shiryu souhaite répondre. Mais devant le flegme habituel du Dragon, il continue.

" Je suis très intéressé par votre proposition et ce serait avec grand plaisir que je me joindrais à vous pour protéger l'Empire. Pourtant, il m'est impossible d'accepter sans poser de condition. Je sais, il s'agit là d'un immense privilège que vous m'accordez mais vous devez aussi savoir et comprendre que chaque clan a ses propres coutumes.

Je fais partie de l'école Tsuruchi des chasseurs de primes. A ce titre, mon daïmyo attend de moi que chacune de mes missions pour le compte d'un tiers soit rétribuée en monnaie sonnante et trébuchante. J'appartiens à un petit clan entouré de deux énormes puissances militaires et politiques. L'argent fait toujours cruellement défaut et d'autant plus à l'aube d'un jeune clan mineur.
Donc si vous continuez à penser avoir besoin de mes services, il sera malheureusement nécessaire que nous trouvions un accord financier contractuel à la prestation que vous souhaiterez me voir effectuer.

Je sais combien mes propos peuvent être choquants pour certains. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai souhaité ne pas en parler devant le seigneur Kumagaya, dont l'entendement de l'honneur n'est pas totalement compatible avec ma conception du bushido."

Shiryu affecte un air perplexe qui s'accroît au fur et à mesure des paroles de Shingen.
Finalement d'un haussement d'épaules, il répond :

" L'argent n'a jamais été une préoccupation à mes yeux, mais je comprends vos propos, Shingen san. En temps normal, votre requête n'aurait été qu'une simple formalité : les forces du Champion d'Emeraude possèdent une administration propre qui se serait occupée sans problèmes de ces détails. Néanmoins, notre statut même de yoriki d'un magistrat d'Emeraude est en ce moment précaire et notre groupe ne pourra jouir pleinement des privilèges de cette fonction que lorsque certaines affaires auront été réglées. J'aurai bien moi-même avancé la somme qui vous conviendrait si toutes mes possessions n'avaient disparu dans le naufrage. Je me vois donc contraint de vous demander de la patience... "

Shiryu semble réfléchir à ses propres propos avant de reprendre :

" Il y a de plus une chose que vous devrez intégrer si vous vous destinez à faire partie de nos forces : la loyauté légitime que vous éprouvez à l'égard de votre clan ne devra jamais supplanter celle que vous aurez envers le Champion d'Emeraude. Notre combat dépasse les causes claniques. Me comprenez-vous ? "

"Vous avez été parfaitement entendu, Yoriki-san.
L'origine même de mon Clan résulte de complexes liens de vassalité. Mais depuis sa naissance, le Clan de la Guèpe et son daïmyo Tsuruchi n'ont de respect que pour la parole engagée et non pas les obligations de rang ou de castes.
Aussi, Mirumoto-san, sachez qu'une fois entré à votre service, Daïmyo, père, mère, Empereur ou Fortunes Célestes pourront venir me donner l'ordre de ne plus vous obéir, ils rencontreront tous le même refus."

Shingen marque une courte pause le temps de voir l'approbation silencieuse de Shiryu puis se met à sourire largement avant de reprendre :
"Mais trahissez-moi ne serait-ce qu'une fois, et je crois bien que je trouverais les finances nécessaire pour m'autofinancer la prime pour votre tête"

Conscient du lourd sous-entendu de sa dernière phrase, Shingen s'empresse de continuer d'un ton plus léger en se frottant les mains.
" Quoiqu'il en soit, je comprends votre situation. L'administration à laquelle vous appartenez souffre quelques difficultés d'intendance qu'on espère tous momentanées.
Par ailleurs, je crois avoir compris que votre route vous emmène souvent sur les traces d'une sectes obscures. Les veilleurs, c'est cela ? Individus aux services du maléfique Anegoshi. Pourquoi ne pas partir sur la base d'une prime pour chaque veilleur abbatu et d'un substantiel bonus en cas de capture. En état de parler, j'entends.
Pour le reste, en attendant, peut-être pourrions-nous nous arranger directement vous et moi. En effet, tout le monde connait le coût prohibitif de l'apprentissage de nos jours. Et par ailleurs, la chance de pouvoir suivre les enseignements d'une aussi fine lame que vous, Seigneur Dragon, n'est pas donné à tous."

Shiryu a visiblement du mal à cerner le ton de l'archer de la Guêpe. Son humour semble le décontenancer. Dans le doute, il s'exprime :

" Il semble en effet que votre conception du bushido soit originale Shingen san. Aussi je voudrais qu'il n'y ait aucun malentendu entre nous. Je vous ai juste demandé de privilégier les forces d'Emeraude qui défendent l'Empire plutôt que votre clan d'origine en cas de litige inter-claniques. Pour les autorités qui se situent au dessus du Champion d'Emeraude, votre devoir est de leur obéir. Si l'empereur vous ordonne de me tuer, vous devez me tuer... "

Shiryu jauge Shingen du regard pour apprécier sa réaction à ses paroles, puis reprend :

" Votre proposition me semble valable, mais si voulez profiter de ma connaissance du kenjutsu, vous devrez m'appeler sensei pendant nos cours. "

Shiryu a écrit:

" Votre proposition me semble valable, mais si voulez profiter de ma connaissance du kenjutsu, vous devrez m'appeler sensei pendant nos cours. "

Non, il devra t'appeler senseï tout le temps que durera sa formation, pendant les cours et en dehors. Il devra te montrer obéissance et respect en tout, marcher derrière toi, te servir le thé, veiller à ton confort en tous lieux et instants...

"Si tels sont vos souhaits, il en sera ainsi. Senseï."

Shingen appuie ses propos d'une légère inclinaison du torse.
Après s'être redressé, il arbore un léger sourire.

"C'était notre première leçon n'est-ce pas ?"


Les deux bushis font encore quelques pas en silence. Puis Shingen brise à nouveau celui-ci.
"De mes précédents senseïs, j'ai au moins retenu une chose, vous savez Mirumoto Shiryu-sama. C'est qu'il faut être digne de l'enseignement de son maître."

Tout en parlant, Shingen dessangle l'un des deux sayas qu'il porte dans le dos.
"Aussi, avant la seconde leçon, il me semble important que vous regardiez mon sabre."

Shingen regarde calmement autour de lui. Shiryu constate alors que leur vagabondage dans les rues de la ville les a conduit dans un petit parc ; de hautes haies de confinères soigneusement taillées entourent une étendue d'herbe rase. Au milieu, une petite fontaine à l'effigie de Daïkoku murmure à voix basse.
Satisfait de les savoir seuls, Shingen baisse la tête, regarde le sol et tend respectueusement son arme au Dragon.
"Bien que cette lame ne quitte jamais son fourreau, vous devez savoir. Alors seulement, vous pourrez me demander de vous appeler senseï."

Shiryu ne cache pas sa curiosité. Il saisit l'arme tendue par Shingen, mais avant de la faire coulisser de son saya, il s'exprime :

" Il est parfois bon de partager certains secrets, cela soulage l'esprit. Vous semblez en avoir votre lot, Shingen san. Mais à part si vous étiez en possession de la Lame des Vents, rien ne pourrait me surprendre "

Shiryu dégaine le katana et l'observe attentivement.

Rq : je rappelle que Shingen porte un daïsho accroché dans le dos ; il est composé de deux lames courtes de types wakizashi.


Alors que Shiryu tient le sabre dans ses deux mains, il remarque que la poignée en est bien longue pour une lame courte ; idéalement dimensionnée pour être tenue à deux mains ou une seule.
Ensuite, en dégainant, il constate que le saya est trop étroit, rendant difficile l'extraction de la lame. Assurément, cette arme n'est pas faite pour ce saya et ne doit pas pouvoir en être sortie promptement.

Enfin, une fois dégainée, le sabre ne présente aucun particularité ; à part peut-être qu'il s'agit d'un katana brisé.

Rq : Il ne s'agit pas de la Lame des Vents ? On sait jamais ;-)

" Aucun wakizashi ne possède une poignée aussi longue. Cette lame doit avoir une histoire bien particulière... "

"Comme il est agréable de rencontrer quelqu'un qui ne juge pas son prochain !"

Shingen s'incline à nouveau en remerciement.

"Il me semble utile que vous sachiez seulement que c'est moi qui est brisé cette lame. Volontairement, j'entends. Pour le reste de l'histoire, si vous n'y voyez pas d'inconvénients, je préfèrerais le garder pour moi ; pour le moment."

Shingen se redresse à la fin de sa phrase et attend la réponse de Shiryu avec une apparente modestie (regard légèrement baissé, corps détendu et talons joints).


Ps : non ! désolé ! Ce n'est pas la lame des Vents. Sinon on est dans la merde car je ne le savais pas avant de la péter.

Shiryu éclate d'un grand rire, et vient amicalement poser un bras sur les épaules de Shingen :

" Je ne suis pas un Kakita, Shingen san. Pour moi une lame est au pire le reflet d'une personnalité et au mieux l'extension de l'âme d'un samouraï, pas un objet sacré à poser sur un piedestal. Mon école a brisé de moults tabous dans l'art du kenjustu. Je serai heureux de vous réconcilier avec ce noble art et quand vous vous sentirez prêt, vous me raconterez l'histoire de votre lame !! "

Shiryu rengaine avec soin la lame et la rend à son propriétaire.

Shingen relève la tête et dévisage un instant son mentor.
Son oeil d'enfant est humide mais la force d'un samouraï adulte coule dans ses veines et il arrive à trouver la volonté de retenir ses larmes.

Shiryu peut voir que le regard que pose sur lui le jeune homme est plein d'admiration.

La gorge serré, Shingen ne peut que remercier Shiryu d'un signe de tête.